Point de vue
En 2017, les États-Unis frappaient une base aérienne syrienne en réponse à une présumée attaque chimique attribuée au régime de Bachar El-Assad et ce, au mépris de la mise en garde de la Russie contre une éventuelle intervention militaire à l’égard de son allié syrien. A l’époque, j’avais rédigé un article sur les liens étroits existants entre relations internationales et marchés boursiers. J’y soulignais que les désordres financiers et économiques se traduisent souvent par un déséquilibre géopolitique, alimentant à son tour l’instabilité des marchés.
Aujourd’hui encore, l’œil collé sur les dernières manchettes concernant l’Ukraine, je redoute l’impact sur la population civile et je m’interroge sur la corrélation entre relations internationales et marchés financiers…
Depuis 2008, la crise mondiale a mis en évidence les rapports de force qui lient les états, les institutions internationales et les marchés boursiers. Les enjeux sont de taille car ces derniers sont le lieu où s’établissent les circuits de financement des économies nationales, s’organise la liquidité de l’épargne investie à long terme et se fixe le prix des matières premières. Dans quelle mesure la crise actuelle bousculera-t-elle l’ordre international établi jusqu’alors entre les nations? Les marchés boursiers sont plus que jamais un enjeu et leur contrôle un levier de l’action géopolitique.
On pourra toujours arguer que ces bourses sont aujourd’hui largement virtuelles. Mais elles obéissent à des droits nationaux dont les spécificités sont telles qu’on ne peut parler de marché boursier mondial ni même européen. Les marchés boursiers sont composés d’une diversité d’acteurs : tout d’abord les investisseurs institutionnels, fonds de pensions, fonds mutuels, fonds alternatifs ou les fonds souverains. Ensemble, ils pèsent bien plus que le total des PIB des pays industrialisés. Les banques, quant à elles, jouent le rôle d’intermédiaire entre services bancaires et financiers. Il faut ajouter encore les investisseurs privés et les professionnels des marchés financiers au rang desquels figurent les agences de notations. Or, l’ensemble de ces acteurs, loin d’être apatrides, obéissent à des législations nationales.
L’analyse des marchés boursiers reflète relativement bien la réalité géopolitique actuelle, à savoir le déclin relatif des États-Unis et de l’Europe face à des pays émergents particulièrement dynamiques, même si ces derniers doivent encore faire leurs preuves. Mais la crise actuelle pourrait inverser ce mouvement de « déclin de l’Empire américain ». Elle pourrait surtout démontrer que les marchés boursiers ne constituent pas un monde à part, totalement déconnecté du réel, comme l’a prouvé la crise de la zone euro. Trop rapidement réduite à une crise de la dette souveraine, elle a surtout reflété une grave crise de compétitivité aux racines plus profondes et aux conséquences politiques et sociales potentiellement redoutables.
À l’évidence, les interdépendances issues de la mondialisation ne se limitent pas à la finance proprement dite. Les désordres financiers et économiques se traduisent souvent en instabilité géopolitique, laquelle alimente à son tour l’instabilité des marchés. Cercle vicieux s’il en est, il ne sera cassé qu’avec une reprise en main des marchés par les états, à travers de solides politiques économiques et, surtout, davantage de coopération mondiale. Encore une fois, le réalisme s’impose. Il est peu probable que les outils du XXe siècle soient adaptés aux défis du XXIe ! L’heure semble venue de revisiter notamment les institutions internationales nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En l’absence de l’Europe, une tâche pour le nouveau leader américain et les Chinois ?
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