Planification patrimoniale
Avocat fiscaliste – Conseiller en planification patrimoniale et fiscale
Le gouvernement fédéral canadien déposera son budget le 19 avril prochain. Avec un déficit record accumulé dans les finances publiques du Canada en raison de la pandémie, le gouvernement devra trouver de nouvelles sources de revenus, ce qui alimente les rumeurs et spéculations sur de nouvelles sources d’imposition de l’assiette fiscale canadienne.
Dans un article paru en février dernier, nous avions discuté d’une possible hausse du taux d’inclusion du gain en capital¹, une mesure potentielle largement discutée dans la communauté fiscale depuis maintenant quelques budgets. Mais serait-il possible que le gouvernement fédéral opte plutôt pour une nouvelle forme de taxation, sous forme d’un impôt sur la fortune comme on le retrouve dans certaines juridictions européennes, ou d’un impôt sur les successions (comme c’est parfois le cas aux États-Unis selon la valeur de la succession) ?
Pour ce qui a trait à l’impôt sur les successions, il faut rappeler qu’au Canada nous avons déjà ce que certains appellent « l’impôt au décès ». Selon cette règle, un contribuable canadien est réputé avoir disposé de tous ses actifs immédiatement avant son décès pour un produit de disposition égal à la juste valeur marchande de ses actifs. Ainsi, tout gain latent accumulé sur les biens capitaux détenus par un contribuable qui réside au Canada est taxé à son décès. La succession reçoit donc les actifs avec un coût fiscal élevé (égal à leur juste valeur marchande), puisque la charge fiscale latente est cristallisée et payée par le défunt à son décès. Il y aurait donc une forme de double imposition économique si la succession devrait payer en sus un impôt sur la valeur de la succession sur les mêmes actifs. Cette mesure n’est donc pas envisageable au Canada sans effectuer une réforme en profondeur du régime fiscal pour éviter ce genre de résultat.
L’impôt sur la fortune serait une nouvelle forme de taxation au Canada. Le gouvernement fédéral a déclaré dans son discours du Trône du 23 septembre 2020 qu’il « déterminera également de nouveaux moyens de taxer les inégalités extrêmes sur le plan de la richesse ». À cet égard, le Bureau du directeur parlementaire du Budget (DPB) a déposé un rapport en juillet 2020 afin d’estimer les recettes que pourrait potentiellement générer un impôt sur le patrimoine net pour les familles économiques résidant au Canada équivalant à 1 % du patrimoine net au-delà de 20 millions de dollars. Pour les fins de l’analyse, tous les types d’actifs ont été inclus dans l’assiette fiscale de l’impôt sur le patrimoine net, à l’exception des gains de loterie. Le DPB estime que 13 800 familles économiques canadiennes payeraient l’impôt sur le patrimoine net et que le total des recettes nettes découlant de cette mesure s’élèverait à 5,6 milliards de dollars en 2020-2021. Le DPB a aussi réduit de 35% le patrimoine net de chaque famille qui serait visée par cette mesure potentielle en fonction d’un taux de modification du comportement, qui s’expliquerait par des opérations de planification fiscale, d’évitement fiscal ou tout simplement d’exode potentiel des capitaux.
L’expérience d’autres juridictions qui ont mis en place un impôt sur la fortune démontre qu’une telle forme de taxation n’est pas toujours aussi efficace que le gouvernement l’envisage. Au contraire, dans bien des cas les revenus projetés ne sont pas réalisés et cette mesure fiscale s’avère lourde et coûteuse à administrer, de sorte que plusieurs juridictions ont aboli l’impôt sur la fortune. Bien qu’il soit indéniable que des nouveaux revenus pourraient être perçus, certaines anomalies doivent être soulevées avec une telle mesure fiscale potentielle, notamment :
Jean-Baptiste Colbert, ministre des Finances sous le règne de Louis XIV en France avait déclaré que « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ». Toute nouvelle mesure fiscale a nécessairement des effets positifs et néfastes, l’important étant que la balance des effets soit positive, tout en prenant en compte plus généralement la lourdeur administrative éventuelle et les coûts afférents pour le gouvernement et les contribuables.
Bref, dans la réalité du système fiscal canadien, l’impôt sur les successions ne devrait pas être envisageable considérant que nous avons déjà un impôt au décès. L’impôt sur la fortune soulève certaines difficultés d’application et l’expérience d’autres juridictions en la matière soulève plusieurs doutes sur l’efficacité d’une telle mesure fiscale. Il reste donc à voir l’ingéniosité fiscale qui sera retenue par le gouvernement fédéral dans son prochain budget.
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